
Un maillot de rugby taille XXL et un ballon tout dégonflé, voici quelques uns des vestiges des 20 années de rugby qui ont partagé ma vie de fille presque ordinaire.
Parce que je crois que ce qui a fait de mon parcours quelque chose d’extraordinaire c’est bien le fait d’avoir joué au rugby.
C’est pourquoi à l heure où la reconnaissance du rugby féminin se fait sentir, avec le superbe parcours de notre équipe de France en coupe du monde, j’ai envie de partager avec vous ce que ce sport m’a apporté mais aussi la façon dont les filles et moi avons lutté pour développer ce sport féminin et combattre les préjugés.
J’ai découvert le rugby à l’université il y à 19 ans, en 1995. J’avais 18 ans, j’entrais en faculté de sport et j’étais ceinture noire de judo. Dans notre cursus universitaire nous devions pratiquer beaucoup de sports différents et c’est ainsi que j’ai découvert le rugby sous la direction de Pierre Villepreux. C’est lui qui a créé la section féminine de l’USA Limoges et qui a recruté de nombreuses universitaires dont je faisais partie.
J’avoue que quand j’ai annoncé que je troquais le judo contre le rugby cela n’a pas fait la joie de mes parents. Mais c’était surtout de l’incompréhension et de la surprise quand j’annonçais cette nouvelle pratique sportive autour de moi. Il faut dire qu’à l’époque le rugby était beaucoup moins connu que le football en France et en particulier dans la région Centre où je vivais.
Qu’importe, grâce à ce sport je m’étais découvert une nouvelle passion ou j’étais libre d’être moi-même, de me donner à fond, de courir, de plaquer, d’aider mes coéquipières. Et je découvrais aussi la solidarité et l’esprit festif des troisième mi-temps qui n’a rien entravé à mon nouvel attachement à cette discipline, école de la vie.
Je crois que je ne remercierai jamais assez Pierrot pour m’avoir permis de découvrir un nouveau chemin de vie grâce au rugby.
À l’époque, il y avait moins de 2000 pratiquantes en France et les déplacements étaient assez long.
À l’époque, peu de clubs masculins était chauds à l’idée d’accueillir une section féminine car cela coûtait cher et selon certains « faisait des histoires »…?
À l’époque, on ne pensait pas que les filles avaient les capacités physiques pour jouer au rugby.
À l’époque, on ne pensait pas que celles qui jouaient au rugby étaient vraiment des « filles », telle que l’imagerie de certains le véhiculait.
Bref à l’époque la majorité des personnes disaient que le rugby était une affaire d’hommes.. Et ce malgré le combat de nos aînées depuis plusieurs décennies déjà avec l’Association Française de rugby féminin puis au sein de la fédération Française de rugby.
En 1997 je quittais Limoges pour rejoindre Bordeaux pour mes études. J’arrivais juste au moment de la création d’une section féminine au sein du Bordeaux étudiants club. Ma petite expérience et mon engagement fort me firent prendre le capitanat de cette nouvelle équipe avec des joueuses à former sous les ordres de Marc Bié et Vincent Lajus.
À l’époque, je jouais avec ce maillot XXL,
À l’époque, je devais trouver mes chaussures de rugby en taille 37 Au rayon foot junior,
À l’époque, il n’y avait pas encore de protections de type épaulières pour les femmes,
À l’époque, les protections pour la poitrine était faites de coques en métal qui s’enfonçaient au moindre contact.
A l’époque, on mettait de l’elastoplaste sur la tête pour protéger nos oreilles.
À l’époque, nous n’avions pas toujours les moyens de payer le déplacement des équipes et chacune mettait de sa poche; mais cela est encore le cas aujourd’hui pour de nombreux petits clubs féminins.
À l’époque, exilée pour le travail, je traversais la France tous les week-ends pour venir jouer avec mes amies.
C’est en 1997 au BEC qu’a démarré la fameuse histoire du calendrier de rugby. C’était avant celui des dieux du Stade Français.
Aujourd’hui encore on me pose la question de savoir pourquoi nous nous battons pour faire reconnaître la valeur sportive des filles dans le rugby et non leur féminité alors même que des calendriers dénudés ont été utilisés pour vendre le rugby féminin.
La réponse est simple et elle est aussi évolutive que le temps qui apporte du changement à chaque chose.
A cette époque, les filles rugbygirls osaient à peine évoquer leur pratique sportive car les représentations faisaient d’elles le contre exemple d’une femme au sens donné par la société.
C’est pourquoi les premiers calendriers visaient à démontrer que l’on pouvait être femme et jouer au rugby. Ce premier travail a pris de longues années pour arriver au second, démontrer que la rugbygirl est une vraie athlète avec de réelles qualités sportives et techniques. L’évolution des calendriers a donc suivi cette tendance misant en premier lieu sur la féminité puis en second lieu sur les qualités sportives des joueuses de rugby.
Ce passage au BEC rugby aura été l’un des plus formateurs de ma vie. J’ai rencontré celles qui demeurent aujourd’hui mes meilleures amies et avec qui les liens tissés sont les plus forts. Celles que l’on retrouve après des mois et des années d’absence avec la même proximité que si nous nous étions vues hier soir. Il y a des quatuors composés sur le terrain comme à la vie, avec Maia, Bibi et Soso qui ne s’oublient jamais. Parce qu’au rugby l’entraide, le don de soi et la solidarité sont les valeurs reines, vous êtes imprégné de cette façon de vivre pour toujours.
Plus tard en 2001 j’ai dû quitter mon équipe bordelaise pour partir sur Nantes et exercer mon activité professionnelle. J’ai vécu une troisième fois la création d’une nouvelle section féminine et son parcours du combattant : recruter des joueuses et stabiliser un effectif, trouver des partenariats pour financer l’achat des maillots des déplacements, combattre les préjugés de certains. Les difficultés que nous surmontions étaient toujours les mêmes que celles que nous avions rencontré dans les autres clubs.
La section a ensuite été transféré pour deux ans au SNUC. Mais la place des filles était difficile à trouver dans cette organisation pas toujours très enthousiaste. Et c’est grâce à l’initiative de 3 jeunes femmes passionnées que l’association nantaise de rugby féminin (ANRF) a vu le jour.
Ce club est exceptionnel. Autonome il sait associer les joueuses à la vie du club et en faire une vraie famille volontaire pour développer le rugby féminin à Nantes. C’est ici que j’ai fini ma carrière à 33 ans.
A mon grand regret, mais le corps a ses limites et mon dos ne supportait plus tous ces placages que j adorais réaliser. Durant ma carrière sportive, je n’ai pas eu plus de bobos qu’un autre sportif. A peine un petit nez de cassé et une entorse a l’épaule.
J’ai continué à m’investir dans le club pour l’aider à le faire connaître et le faire vivre grâce aux recherches de sponsors.
Aujourd’hui j’ai toujours besoin de me défouler et comme je ne peux plus mettre des cartouches, je cours, je cours, et je cours encore. Enfin quand mon corps me le permet car je slalome entre les blessures. Je crois que ces années de percussions ont laissé malgré tout quelques traces, notamment mon dos qui est très capricieux, ou alors c’est l’âge qui ne pardonne plus rien. Toutefois le travail foncier de 3ème ligne qui fait des longueurs et des longueurs de terrain a du être utile car il me permet de boucler encore aujourd’hui un 10km en 42 mn et un semi marathon en 1h35.

Aujourd’hui avec cette coupe du monde de rugby je suis ravie de voir que les choses changent enfin, ou du moins évoluent.
Le rugby féminin est médiatisé, le niveau de notre équipe de France est très élevé. Elles joueront dans quelques jours la demi-finale de la coupe du monde et le public est là.
Beaucoup de personnes découvrent ce qu’est le rugby féminin et sont impressionnées du niveau sportif et technique de nos joueuses.
Ces bleues version 2014 nous réservent encore, j’en suis sûre, de belles surprises qui ne manqueront pas d’enthousiasmer tout le pays.
Ces filles sont extraordinaires elle symbolisent l’engagement le travail et la passion.
Je suis fière d’avoir fait partie de ces filles peu ordinaires qui n’ont pas hésité à braver les convenances pour s’adonner à leur passion.
Parce que pour les femmes le combat d’un sport ce n’est pas que le combat de la reconnaissance d’une discipline sportive féminine, c’est aussi indirectement un combat pour les femmes dans l’évolution de la société.
Valérie Marqueton Perez
3ème ligne aile et centre de 1995 à 2010
USA Limoges 1995/1997
Bordeaux EC 1997/2001
Comité côte d argent 1998/2001
XV de l Erdre 2001/2002
Snuc 2002/2003
Asso Nantaise Rugby féminin 2004/2012
Bon plan pour les sportifs/sportives !
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Faites tourner l’info :)
Beau parcours! comme toi j’ai quitté bordeaux pour nantes (raisons pro)
Nous avons certainement jouées l’une contre l’autre, (montpellier pr moi) et à qques détails prés j’aurai pu écrire presque la mm chose!! et en plus aujourd’hui je cours, je pédale, je traile, je raide, à la recherche des émotions perdues….! bref, ns sommes cette génération qui a assis le rugby féminin d’aujourd’hui, merci d’avoir écrit ça pr nous!
Très bel article Valérie ! Ça donne envie d’en savoir plus sur le rugby féminin.
Bravo Valérie pour ce beau parcours et beau papier ! Tu ne nous avais pas tout dit
Merci F. ne laissons jamais nos passions dans les cartons 😉
Super texte ! Merci ! Valérie, si tu ne peux plus plaquer, pourquoi pas essayer le touch ou le flag ? OK, c’est pas du rugby mais c’est mieux que rien: ça apporte pas mal de sensations.
Dans notre équipe Folklo AFFR, nous jouons depuis des années en mixte avec une à trois filles dans l’équipe. Elles nous apportent beaucoup et, vu le niveau « raisonnable », la différence moyenne de puissance physique ne joue pas.
C’est toujours un bonheur de voir notre Lo’ découper un gars d’en face qui croit pouvoir passer facilement vu que c’est une fille 🙂
Merci Kleag, j’ai déjà essayé le flag mais comme les appuis étaient moins mon point fort que les placages, j’ai choisi le running plus simple 😉
🙂
Heureusement que par la passion on peut faire avancer les choses… Très belle démonstration Valérie.
De tout cœur avec les bleues !
Christèle